Nos yeux

Je me balladais sur l'avenue, quand soudain je croisais une femme et un homme surprenant. Ils se tenaient, bras dessus, bras dessous, et déambulaient. Il faisait beau. Ils étaient beaux. Je me mis à adopter leur allure, machinalement. Ni trop près, ni trop loin, en partageant sans la violer, leur intimité.

Il avait des yeux, elle n'en avait pas.

Il était ses yeux.

Je l'écoutais lui raconter la rue, les passants, les couleurs, le dandinement de l'ado branchée sur notre droite, les étalages de fruits et légumes du petit casino, la devanture de la vitrine de coiffure, le menu du jour de "chez Dédé", le ras le bol des crottes de chiens, l'envol des pigeons sous leurs pas.

Je m'enivrais de cette ballade aux milles mots, et lorsque nos chemins se séparèrent, je ressentis le gôut amer de la solitude, et le regret de la fin de ces quelques pas, plus vivants que jamais.